Nadja La Ganza | La terre et le pouvoir du Raku
L’harmonie rugueuse de la terre
Chaque fois, elle « fait des histoires ». En images d’abord, puis en peinture et en gravure.
Elle est allée regarder ailleurs et a rencontré la terre et le pouvoir du Raku. De retour en France, elle partage encore.
Découvrir la pratique du Raku, c’est déstabilisant, étonnant et étrangement apaisant. Pour la comprendre, il faut accepter qu’un objet, à lui seul, puisse tant dire, tant porter.

Une sacrée place. Une place sacrée.
Le rapport qui se noue avec la terre modelée est « physique et sensuel ». Il manquait à l’artiste multiple cette « dimension corporelle ». Choisir cette technique de cuisson, c’est s’embarquer entièrement dans ce qu’elle recèle. Nadja n’a rien dû accepter, disons plutôt qu’elle a répondu. Elle était déjà Raku, sûrement.
« Le chemin de liberté qui précède toute création »
Et chaque pièce est une partie visible de l’esprit du créateur. Des pièces uniques donc.
Le bol, « lieu de rencontre, d’expression et de contemplation »
Prenons le bol, c’est l’élément fondamental de cette culture née au Japon au XVIème siècle. Intimement liée à la Cérémonie du thé, cette technique de cuisson rapide de pièces céramiques émaillées est mise au point tant pour offrir un contenant aux moines avant la méditation que pour exprimer une certaine quête spirituelle. Sorte de démonstration de la fragilité de l’équilibre et de la puissance de l’instant et de la nature. La pratique sensible du Raku est indissociable du concept esthétique que l’on résumera en « beauté de l’imperfection».
Ce sont ces imperfections que Nadja La Ganza aime tant. Les «accidents», ce sont ses « tripes » et ses « sens ». Chaque pièce est façonnée à la main et non au tour. Les objets sont marqués pour toujours par les doigts de Nadja, elle nous offre son intimité.
« C’est clairement quelque chose d’intériorisé qui prend forme ». Elle ose, forcément, parler « d’inconscient, de traumas, de cheminement psychanalytique ». Sa façon à elle de « se révéler et révéler les contrastes obscurs ». Mais on y voit et on y met ce que l’on veut, au minimum une certaine « fluidité poétique ».
Provoquer la rencontre
Parce que, concrètement, les pièces sont sorties très chaudes du four et plongées dans de la sciure. C’est ce mode de cuisson avec enfumage, avec ses réactions chimiques, qui terminent l’objet. C’est là qu’est le mystère et sûrement aussi l’acceptation dont devra faire preuve Nadja en acceptant ce qu’elle aura elle-même provoqué.
La singularité de ses objets, tant utilitaires qu’objets d’art, vient de sa capacité à « casser les limites ». « Probablement, ma formation australienne a influencé ma façon de m’exprimer en céramique ».
Elle contemple l’intime, comme pour atteindre la source fragile et puissante de l’âme.
L’harmonie en galerie
Le plaisir de Nadja est, toujours et partout, le même. Elle veut créer des liens.
Son temps est aussi celui des autres, ceux à qui elle apprend à modeler la terre. C’est un « gagne-pain » certes, mais sans aucun doute aussi la promesse de partages.
Il y a quelques années, c’est en créant la Biennale de céramique contemporaine en Vexin qu’elle provoque encore les rencontres. Et ça prend. Rendez-vous en 2020 pour la 4ème édition !
En septembre 2018, elle ouvre sa galerie T Room, place de l’Ecu à la Roche-Guyon. On y découvre ses créations et ceux d’autres artistes. Elle veut offrir de la visibilité. Le gite et le couvert aussi. Les curieux de passage viennent, entre autres, pour y prendre le thé.
« Je vois bien que les visiteurs sont comme énergisés par la rencontre avec l’endroit. C’est une vraie maison, propice à l’intimité ».
Là aussi, Nadja laisse la place à l’inconnu et aux réactions. Il s’y passe des choses, paraît-il…