Le clic qui déclenche la passion

Un simple prêt donne naissance à une passion

À l’âge de 12 ans, l’oncle de Fabrice lui prête un appareil photo. Ce petit parisien, qui vit seul avec sa mère, s’en empare aussitôt, et au premier clic de l’appareil argentique, sa passion pour la photo est née.

« J’ai trouvé ça fascinant, j’avais en main le pouvoir de saisir à jamais des moments de vie, des arrêts sur image »

Ce qui intéresse alors le petit garçon, ce sont les personnages, les scènes de vie. Il adore les photos de famille « parce qu’elles racontent des histoires, elles vous transportent dans des vies inconnues que vous pouvez imaginer à l’infini. » Il photographie sa famille, ses amis, les plantes, les arbres, les forêts. Des photos qui deviennent pour lui des tableaux, tant il arrive à en sublimer les couleurs, les profondeurs, la lumière, la beauté.

Attiré par les Abysses

À 18 ans, grâce à ses économies, il achète son premier appareil. Ce fut le début de l’aventure de toute une vie, même si le parcours pour y arriver, a été dur et chaotique.

« J’ai d’abord fait des études d’art graphique, sans savoir vraiment où cela me mènerait. Il me fallait un bagage professionnel, je ne me disais pas encore que je pourrais vivre de mes photos ».

C’est à 22 ans, qu’il est attiré par les profondeurs des mers, par la faune et la flore qu’y si cachent. Avant même d’avoir mis un pied dans l’eau, il achète un appareil photo sous-marin.

« Je ne savais pas très bien nager, et je n’étais pas très à l’aise dans l’eau, mais il fallait que j’essaye, j’étais happé par les mers et les océans ! »

Une première expérience laborieuse aux Antilles l’a laissé tout seul dans des grottes sous-marines. Inconscient, Fabrice est parti à l’aventure sans même savoir comment regarder sur son ordinateur de plongée l’air qu’il lui restait dans sa bouteille. Il est clair que cela aurait pu être son dernier voyage mais ce fut l’étape décisive de sa vie. Fabrice venait de rencontrer un monde qui n’aura de cesse de le fasciner :

« l’infinie grandeur, le silence, la lenteur des mouvements, la luminosité si particulière aux océans, et enfin, la faune mystérieuse et fantastique que j’avais rencontré ».

Mais la vie fait que l’on ne peut pas toujours parcourir le monde comme nous le rêvons. Fabrice avait rencontré sa femme Géraldine. Tous les deux s’installèrent. Elle, travaille dans la mode, lui, comme graphiste indépendant. Très vite, une première petite fille est venue agrandir la famille.

Bébé Gorille de Fabrice Guérin

Une rencontre décisive

C’est au Royaume des Tonga qu’ils sont partis. Des Iles situées au nord de la Nouvelle Zélande, où passent les baleines à bosse entre juin et octobre. Et c’est la que le premier miracle s’est opéré. Pendant 10 jours Fabrice et Géraldine ont nagé avec les baleines. « La première photo prise a été acheté par le National Geografic. Une baleine à bosse dans une étreinte charnelle avec son baleineau, c’était surréaliste, je vivais un rêve, mon cœur battait la chamade ! ». Ce cliché d’une exceptionnelle rareté que Fabrice a appelée Osmosis, est celui qui a convaincu Géraldine de laisser son mari parcourir le monde avec son appareil photo.

Pendant des années, Fabrice a sillonné la planète à la rencontre des géants des mers : les cachalots de l’océan Indien, les poissons voiliers du Golf du Mexique, les otaries de Basse Californie, les requins blancs de Guadalupe, les raies Manta de Socorro Island…

À chaque fois, il observe émerveillé cette faune sous-marine, subjugué par sa beauté. Ses photos racontent une histoire, une rencontre, des émotions. Elles soulignent un dialogue entre lui et l’animal, comme s’ils s’étaient donné rendez-vous : « A chaque plongée, j’ai le cœur qui s’affole, je me demande qui je vais rencontrer. Je ne cherche pas la rencontre, elle vient à moi. C’est l’animal qui choisit de venir vers vous et non l’inverse. Alors seulement, une fois que nous nous sommes dit bonjour, je peux photographier. » Fabrice a appris la patience. Ainsi, il capte les regards, poétise les échanges, noue la relation, aussi furtive sois-t-elle. Et, chose extraordinaire, cette impression d’échange est palpable sur ses clichés

« Au-delà de la photo dit-il, je me dis que j’ai vécu des moments que je ne pouvais pas imaginer rêver. »

Baleine à bosse Megaptera novaeangliae de Fabrice Guérin

Une nature fragile

Au fil des années, au fil des rencontres, le photographe est porté par le désir de sensibiliser le grand public aux problèmes des espaces menacées, de la destruction de la biodiversité. Il va alors collaborer avec des agences de protection de l’environnement, participer à différentes missions scientifiques.
Il lutte contre la dégradation d’une nature généreuse et luxuriante mais avant tout, terriblement fragile, sauvage et imprévisible.

« La terre a entamé sa 6ème extinction de masse ! Or nous sommes responsables de l’état de notre planète, il faut lutter pour la protéger, la sauvegarder ».

C’est en image qu’il choisit d’avertir le public. Entre expositions et conférences, il montre la beauté de notre planète mais aussi sa vulnérabilité et le déclin de ses espèces.

« J’aime que mes photos suscitent un éveil des consciences, qu’elles troublent la quiétude de ceux qui ne savent pas la regarder. Et si, sur un public de 100 personnes, j’arrive à en toucher 2, je suis le plus heureux des hommes ! »

De ses multiples voyages au Mexique, Fabrice en a sorti un livre, Blue Mexico. Le premier de sa collection MyNature. Ce merveilleux recueil est un hymne à la nature sauvage, si précieuse, raffinée et délicate. Fabrice nous offre une pépite à travers l’exploration des mers, des océans, des lagunes mais aussi d’un paysage sous-marin lunaire, féérique : Les Cénotes dans la péninsule du Yucatán. Une plongée époustouflante dans ces puits d’eau douce, reposant sur des rivières et des grottes souterraines.

Ses clichés sont des chimères. Des jeux de lumière exceptionnels entre rayons de soleil et stalactites rendent cette immersion inoubliable, dans le plus sauvage des paysages sous-marins.

ESMERALDA - Photographie sous-marine de Fabrice Guérin

Entre terre et mer

Depuis lors, afin d’enrichir sa collection, Fabrice part à la conquête d’autres horizons, d’autres terres sauvages qu’il foule avec respect et qu’il honore de ses clichés, rendant toute sa noblesse à la vie sauvage. Ses voyages se partagent désormais entre terre et mers, à la rencontre d’espèces à préserver. Ainsi, ses clichés nous font voyager du Pôle Nord à la rencontre d’ours blanc, en Ouganda, ou il approche les gorilles de Montagne, en passant par le Mexique encore, où il fait la connaissance des crocodiles !

À chaque fois, le photographe donne la part belle à notre imaginaire, nous transmet sa passion d’une nature dont il dit qu’elle est « fragile, amour, sauvage, mystérieuse, cruelle et qu’elle mérite le plus grand des respects. »

Sa route est encore longue, ses rencontres, encore nombreuses, pour un travail -nous l’espérons – qui restera immortel et réveillera en nous, la conscience d’une planète en péril. 

écrit par Amélie Gonzales

Ours Blanc de Fabrice Guérin