Rencontre avec Sandrine Déjardin | Une chineuse passionnée
Entrepreneure, créatrice du site Corner Art
Le premier portrait de ce blog nous emmène à la rencontre de Sandrine Déjardin, entrepreneure et créatrice du site Corner Art. À l’origine du concept, cette passionnée de décoration et de chine nous raconte son parcours, ses projets, et son ambition de démocratiser l’objet d’art français en facilitant la rencontre des créateurs avec le grand public.
Crédit Photo © Adrien Roubens
Sandrine, parlez-nous de vous, votre profil, votre parcours…
Je suis née à Vitry-le-François dans la Marne, mais j’ai grandi entourée de trois frères et soeurs à Cormontreuil, une petite commune en périphérie de Reims. J’ai suivi des études dans le textile, à Lille, une formation qui m’a permis de travailler durant treize ans dans l’industrie de la lingerie, avant de subir un licenciement économique en 2013.
Cette épreuve a été pour moi l’occasion d’une remise en question importante, sur mon avenir, ma vocation et mon orientation professionnelle. La lingerie est un savoir-faire passionnant, mais j’ai souhaité retrouver des valeurs plus authentiques et humaines en me rapprochant de ma passion pour la décoration.
C’est grâce, notamment, au programme d’accompagnement « Nouveaux horizons », proposé par l’APEC, que j’ai véritablement commencé à imaginer et développer le projet Corner Art. Le réseau Action’elles m’a aussi beaucoup soutenu, c’est une organisation qui accompagne les femmes dans la création et le développement de leur entreprise.
D’où vient cette passion pour la décoration et les métiers d’art ?
J’ai grandi dans une famille de quatre enfants où l’on cherchait davantage l’intérêt pratique et fonctionnel des objets plutôt que leur aspect décoratif. Malgré ça, je me suis mise à chiner très tôt ! Je me souviens de ma chambre d’étudiante, à Lille, qui était déjà décorée d’objets dénichés dans les brocantes environnantes. J’aime les belles pièces, leur vécu et l’histoire qu’elles me racontent. En 2004 j’ai rencontré mon compagnon, qui partage la même passion que moi, c’est aussi un grand collectionneur. Aujourd’hui, notre maison est entièrement meublée et décorée
par des pièces chinées dans les brocantes, les salons de créateurs ou les ventes aux enchères. Pour moi, acheter du meuble en kit chez IKEA n’a aucun sens, j’ai besoin de découvrir et d’échanger avec les designers, les artisans ou les artistes.
Avant d’acheter une pièce je pose beaucoup de questions sur le vécu de l’objet si il est ancien, ou sur sa conception si c’est une création. Ça me fascine ! La rencontre est vraiment fondamentale pour moi. D’ailleurs, il y a certains événements que je ne rate jamais : la brocante du 1er mai au château de Chambord et les éditions de Saint-Leu Art Expo, j’y fais énormément de rencontres.
Je vais aussi directement visiter les ateliers de certains artistes pour échanger avec eux, in situ, découvrir leur environnement, leurs outils, voir la façon dont ils travaillent… Dernièrement,
j’ai eu la chance de visiter l’atelier de Marie Juge (céramiste Raku), voir la cuisson de ses sculptures c’était formidable. J’ai aussi visité le studio de Sylvie Tinseau, une photographe qui
écrit à l’encre sur ses oeuvres. Nous avons discuté pendant deux heures de son métier, de ses inspirations ; j’ai vraiment découvert pourquoi elle faisait ce métier !
Photo de Jean-Paul Lubliner
Et Corner Art dans tout ça ?
Corner Art c’est une plateforme mobile de référencement et de géolocalisation d’artistes et créateurs d’art français, à destination des amateurs. C’est un projet que je porte depuis fin 2016.
En France, nous avons la chance d’avoir une filière des métiers d’art extrêmement riche : 38 000 entreprises et plus de 48 000 artistes qui couvrent un éventail de savoir-faire extraordinaire ! Alors chez Corner Art on propose un lieu de rencontre, d’échange et de partage entre passionnés. On veut créer du lien en offrant un outil pratique et innovant qui améliore le référencement des créateurs et facilite la recherche des amateurs d’art. Tout simplement !
Sur la plateforme, chaque artiste dispose de son propre profil : une page d’exposition et de présentation enrichie par des visuels de qualité pour valoriser les créations. Nous accompagnons les artistes, designers et artisans dans cette démarche et valorisons chaque profil auprès d’une
communauté d’amateurs d’art.
C’est une market place en quelque sorte ?
Non, pas tout à fait! Nous avons imaginé Corner Art comme un outil de référencement, à la fois agitateur de curiosité et facilitateur de rencontres. Mais nous n’assurons aucun intermédiaire commercial direct. Le digital est une excellente vitrine pour les métiers d’art, mais la barrière de l’écran génère un frein, alors pour y répondre nous proposons des technologies immersives: vision à 360°, modélisation 3D, et visite virtuelle des ateliers. L’objectif est d’apporter au visiteur une nouvelle expérience et une meilleure approche de l’univers créatif des artistes.
Ces technologies ne sont pas encore arrivées dans le domaine artistique, c’est une réelle innovation au service des créateurs comme des amateurs d’art.
Quel a été le déclic pour vous lancer dans cette aventure ?
Après mon licenciement, j’ai réfléchi à ouvrir une boutique de décoration en proposant à la fois des objets chinés, retapés, mais aussi des objets de créateurs d’art. Lorsque j’ai présenté ce concept au sein du programme de l’APEC, j’ai eu des retours vraiment convaincants, puis ce sont les échanges avec Cécile Barry (présidente de l’association Action’elles), qui m’ont aidé à modéliser et faire évoluer mon idée initiale vers le concept Corner Art.
Mais c’est aussi, et avant tout, le fruit de nombreux échanges avec les artistes, designers et artisans sur leurs besoins. Également le constat des difficultés rencontrées par les amateurs d’art pour trouver simplement et rapidement leur bonheur. Et pour cause : j’ai des années de pratique en la matière !
L’aventure entrepreneuriale est passionnante, c’est une véritable école dans laquelle on apprend tous les jours. Comme tout nouveau projet, c’est parfois les montagnes Russes : un jour on avance, le lendemain on régresse, mais toujours pour évoluer vers quelque chose de plus constructif, en développant sa capacité d’adaptation. C’est un choix professionnel engageant, peut-être effrayant, mais tellement enrichissant que je ne le regrette pour rien au monde !
Et quel avenir imaginez-vous pour Corner Art ?
Dans un premier temps, nous assurerons le développement du référencement en Île-de-France car c’est le premier bassin des métiers d’art et il y a déjà beaucoup à y faire. Puis nous élargirons progressivement notre périmètre à l’ensemble de la France, en veillant, toujours, à couvrir un spectre de savoirfaire le plus large possible.
Dans un second temps, nous envisageons de développer une version annexe de la plateforme à destination exclusive des professionnels. L’objectif est de proposer une solution sur mesure, pour répondre à des besoins bien spécifiques.
Enfin, à plus long terme, nous pensons que le concept Corner Art pourrait facilement se décliner à l’international.
écrit par Jeremy Montfrais